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Comment les obligations vertes et sociales favorisent-elles le développement durable en Afrique ?

News

28/01/2019

Encore quasi-inexistant il y a à peine 10 ans, le marché des obligations vertes et sociales fait à présent partie intégrante de la finance de marchés. Ces obligations ont par exemple financé des projets allant des énergies renouvelables, aux bâtiments à haute qualité environnementale et à efficacité énergétique. Mais l'essentiel de ces projets ont été réalisés dans les économies les plus développées, quand les pays qui en ont le plus besoin sont ceux en développement, et plus particulièrement en Afrique.

« Sans investissements significatifs pour accélérer une croissance inclusive et verte en Afrique, la communauté mondiale n'atteindra pas les Objectifs de Développement Durable (ODD) de l'ONU », déclare Hassatou N'Sele, Trésorière de la Banque Africaine de Développement (Groupe AfDB). « Il y a des milliards de dollars qui supportent des taux d'intérêt négatifs ou très bas dans le monde, alors que l'Afrique offre des rendements élevés. Nous devons canaliser ces fonds vers le continent Africain. »

Le marché des obligations vertes et sociales est l'une des sources les plus visibles de capitaux destinés à des projets africains contribuant aux objectifs de développement durable, bien que les prêts bancaires constituent la plus grande source de financement. Alors que les institutions multilatérales de développement ont émis de telles obligations pour des projets en Afrique, les institutions privées telles que les entreprises, n'ont pas exploité le potentiel du marché en raison de la perception générale que le continent présente globalement des risques significatifs.

Depuis que la Banque européenne d'investissement a émis la première obligation climatiquement responsable en 2007 et que la Banque Mondiale a lancé son obligation verte inaugurale en 2008, les obligations vertes et sociales sont parvenues à concilier les objectifs à la fois de rendement et d'impact environnemental et social recherché par les investisseurs du secteur privé, avec les 17 ODD de l'ONU, apportant ainsi un financement complémentaire aux bilans des institutions multilatérales de développement. Plus de 200 émetteurs ont levé un total de 170 milliards USD à 200 milliards USD en 2018, selon la définition utilisée.

Un déficit de financement de 2 500 milliards d'USD

Le déficit de financement dans les pays en développement reste énorme. La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement estime que la réalisation des ODD nécessitera un financement  de 5 000 à 7 000 milliards de dollars, dont 2 500 milliards de dollars environ pour les pays en développement.

En ce qui concerne spécifiquement l'Afrique, le déficit de financement est d'environ 90 % de ce qui est nécessaire, ce qui est bien plus élevé que les 15 % en Europe et aux Etats-Unis, selon l'UNEP-FI. Cela met l'Afrique sous les feux de la rampe. Pour que les ODD soient atteints, il faut que les financements privés soient attirés de manière beaucoup plus significative en Afrique, y compris par le biais de véhicules tels que les obligations vertes et sociales.

Malgré cela, N'Sele du Groupe AfDB reste optimiste : « Certains gestionnaires d'actifs ouvrent des fonds dédiés à des investissements ODD en Afrique. D'autres suivront. Je crois fermement que c'est le sens de l'histoire », dit-elle.

Changer la perception du risque

Quelles mesures peuvent être prises pour que le secteur privé, en particulier les entreprises, accroissent sensiblement leurs émissions d'obligations vertes et sociales afin de financer des projets à impact positif en Afrique ? L'un des moyens consiste à faire en sorte que les gouvernements donnent l'exemple et mettent en place des programmes d'obligations vertes. Par exemple, le Kenya est en train d'instaurer un cadre pour l'émission d'obligations vertes, et le gouvernement prévoit d'émettre sa première émission d'obligations vertes souveraines au cours de son exercice 2018-2019.

Mais qu'est-ce qui changera la perception du risque en général ? « Les risques systémiques pourraient être abordés de différentes manières – de la facilitation du capital humain comme l'éducation moderne, à l'amélioration de l'environnement juridique et de la gouvernance d'entreprise », déclare Andrew Cross, Trésorier Adjoint à l'IFC. « Il est important de ne pas oublier qu'il n'existe pas de solution unique – pour un continent aussi vaste et divers que l'Afrique, englobant 54 pays, de l'Afrique du Sud à la République Démocratique du Congo, nous devons toujours commencer avec une analyse des différents profils de risque. »

Gouvernance et garanties

Au cours des dernières années, des institutions multilatérales comme IFC ont aidé à développer les connaissances et les capacités des représentants officiels des pays africains afin qu'ils puissent créer des marchés financiers profonds, dynamiques et liquides, ainsi qu'une gouvernance bien définie et des règles d'arbitrage claires et transparentes. Cela donne aux gouvernements les compétences nécessaires pour négocier un partenariat public-privé avec le secteur privé, qui pourrait par exemple être financé par une obligation verte. En outre, l'AfDB se concentre sur l'amélioration du contexte des investissements et des affaires en Afrique afin de créer des marchés et des opportunités pour les opérations du secteur privé.

Les institutions multilatérales atténuent également les risques et renforcent la confiance du secteur privé en étant le prêteur officiel d'une transaction, ou en offrant des garanties commerciales ou politiques. Par exemple, l'AfDB a arrangé le plus important prêt A/B syndiqué en Afrique à ce jour et offre des garanties à la fois politiques et commerciales pour réduire les risques liés aux projets. Cela a joué un rôle clé dans la collecte de fonds de certains projets d'énergie renouvelable.

La prochaine étape

« Des émetteurs multilatéraux comme IFC et l'AfDB ont ouvert la voie aux pays en développement, en particulier en Afrique », conclut Stéphane Marciel, Responsable des obligations durables chez Société Générale. « Mais j'espère aussi que les grandes entreprises internationales qui investissent en Afrique, notamment par le biais d'infrastructures comme l'énergie et les transports, émettront des obligations vertes et sociales pour financer leurs projets. L'argent public ne suffit pas. Nous avons besoin que le secteur privé s'implique encore davantage. »